Créer un jardin de milieu aride revient à dire, créer un jardin naturel rappelant les déserts, et plus particulièrement les régions arides d’Afrique ou d’Amérique. Ce jardin que je suggère concerne plutôt les personnes habitant la façade atlantique bénéficiant d’un climat océanique, proche du littorale. Le climat littorale de la façade occidentale en France, est considéré comme un climat tempéré avec des hivers pluvieux où la température ne descend pas en dessous de -7°c. Si je mets en exergue ses conditions, c’est que je n’ai pas assez de recul pour affirmer une réussite dans d’autres régions françaises. Ainsi, posséder un jardin intra-muros dans des régions plus continentales, le projet est faisable. Un jardin situé plein sud , abrité des vents froids qui de plus, est entouré de murs, nous avons là des possibilités de réussite indéniables. Ceci étant, quelque soit l’endroit, rien n’empêche d’expérimenter le projet. Le choix des plantes que je propose est établi par une expérience à la fois personnelle et professionnelle. Chacune d’elle est pour moi un coup de cœur dont voici les arguments: l’originalité, la beauté, l’aspect agressif rappelant le milieu hostile du désert, la résistance au froid conjugué à l’humidité, c’est ce dernier point qui est important. Pour créer un jardin aride il faut trois choses compatibles entre elles, le choix des plantes, le sol et la situation. Pour le choix des plantes, voir ci-après, quant au sol, il doit être drainant et pauvre*, la troisième condition est sa situation, elle doit être plein sud bénéficiant d’un ensoleillement maximum.

Pour donner un aspect naturel au jardin, l’idéal est d’avoir une pente située plein sud permettant au rayonnement solaire être à la perpendiculaire donc favorisant un meilleur réchauffement du sol. Amener un enrochement pour se rapprocher du milieu naturel car le minéral dans ce genre de jardin est important. D’autant plus, qu’une pierre qui se réchauffe dans la journée restitue la nuit, la chaleur emmagasinée le jour. Pour créer une rocaille de qualité, il est nécessaire de trouver des belles pierres toutes de la même origine pour donner une certaine cohérence à votre massif. Si votre terrain est plat, et que vous possédez de gros rochers, vous pouvez les utiliser comme une barrière rocheuse, en formant une sinuosité plus ou moins prononcée suivant votre goût. C’est la végétation à venir qui donnera du relief. Avant de réaliser ce genre de projet, la zone doit être creusée pour installer au fond un drainage constitué de gros graviers de façon à évacuer l’excès d’eau lorsque les pluies sont abondantes, l’hiver et l’automne en particulier. Aussi, l’idéal serait d’ajouter un puisard au point le plus bas du massif afin de garantir l’évacuation du surplus d’eau lors d’un gros orage par exemple. Quand votre massif est fin prêt, avant toutes plantations, il est important de laisser le sol se reposer et de le laisser se tasser naturellement.

Bon à savoir :

Le sol doit être pauvre en général mais pour les plantes réclamant un sol plus riche, il est nécessaire d’apporter localement un substrat riche en humus.

Le choix des plantes :

Le choix est hétéroclite, original, varié, et coloré. Parmi ces plantes, vous avez des plantes typiques des déserts américains (agave, yucca & cactus) et du désert néo-zélandais ( Cordyline), des graminées qui donnent l’aspect savane à votre massif, des vivaces au feuillage épineux d’obédience méditerranéenne, et des arbustes de diverses contrées du monde dont les branches épineuses rappellent certaines plantes de déserts comme par exemple certaines euphorbes d’Afrique ou les Alluaudias de Madagascar enfin une broméliacée de pleine terre.

Toutes ces plantes se trouvent en pépinières de collection mais parfois il faut chercher, c’est tout le plaisir de confectionner un jardin original.

Plantes typiques des déserts américains :

Yucca desmetiana est un coup de cœur avec une bonne résistance au froid avec pour seul inconvénient, l’eau tache les feuilles durant la mauvaise saison. Ce yucca serait l’hybride entre Yucca aloifolia et Yucca filamentosa. Son intérêt ornemental est son feuillage rougeâtre. Il est à cultiver en sol drainant. Toujours est-il, on peut toujours choisir l’un de ses parents : Yucca filamentosa est un classique et reste une valeur sure pour une note d’exotisme dans votre jardin ; quant à Yucca aloifolia est certainement plus résistant qu’on le dit en situation abritée.

Opuntia scheerii est mon cactus chéri, sans jeu de mot car l’épithète Scheerii veut dire qui l’a été dédié au botaniste de Kew garden Frederick Scheer. C’est un très bel opuntia mexicain résistant au froid et à l’humidité. Beaucoup d’opuntia sont rustiques mais souvent l’eau tache les raquettes. Opuntia humifusa, une espèce rampante et Opuntia ficus indica, un classique, peuvent faire l’affaire.

Cordyline australis, originaire de Nouvelle Zélande, cette agavacée reste une incontournable des jardins à caractère exotique. Très vite, elle monte sur tige rappelant certains yucca ou Beaucarnea, plantes emblématiques des déserts américains.

 

Agave montana : Cet agave est renommé pour être le plus résistant au froid conjugué à l’humidité. Il est originaire des montagnes d’altitude du nord du Mexique. La rusticité de cette plante est parfois exagérée, il faut relativiser les chiffres annoncés et surtout prendre en compte les températures négatives associées à l’excès d’eau notamment en période hivernale. Personnellement, pendant les premières années, je mettrais une plaque de plastique transparent pendant la mauvaise saison pour garantir son installation. Son intérêt est son feuillage d’un beau vert franc. Adulte, il reste un agave de moyenne importance qui ne drageonne pas.

 

Pour les vivaces, le choix est vaste. Dans la flore méditerranéenne, nombre de plantes sont très épineuses et peuvent faire l’affaire. Je propose deux eryngium, au feuillage étonnant Eryngium venustum et Eryngium variifolium. L’intérêt est leur petitesse par rapport au grand Eryngium qui ressemble à un agave ou a un yucca (E. agavifolium & E. yuccifolium).

 

Les graminées ou herbes sont nécessaires dans ce type de jardin où souvent les cactus, yucca et autres plantes typiques des déserts sont dans leur milieu naturel associées à des arbustes et des graminées. Mon choix est sans équivoque pour le Carex comans ‘Frosted Curls‘. L’extrémité des feuilles très fines se recourbent avec le temps. C’est une graminée formant une touffe dense de moyenne importance. Je trouve qu’elle rappelle les savanes ou la strate herbacée des déserts américains. Elle se resème bien, il suffit de la laisser se naturaliser et de détruire ou de déplacer les pieds en fonction de l’évolution de votre massif. Elle a un avantage indéniable à mon sens, elle peut être piétinée sans qu’elle bronche, son enracinement dans le sol est bien ancré après une ou deux années en place. C’est important car désherber et entretenir un massif avec des plantes épineuses est parfois périlleux. Les épines sont redoutables pour les membres mais aussi les yeux. Deux espèces du genre Bouteloua, Bouteloua gracilis ou B. curtipendula, sont plus difficiles à trouver et plus délicates de culture. Elles sont intéressantes pour la curiosité, en effet, l’épi de cette graminée d’origine américaine forme un petit peigne.

 

Les arbustes sont plus difficiles à intégrer car dans les déserts, nous avons affaire à des essences spécifiques. C’est le plus souvent l’acacia vrai , proche du mimosa, est représenté dans les déserts australiens et africains. Dans les déserts nord américains, c’est un genre très voisin : le prosopis. Les deux arbustes que je soumets vont permettre de donner du volume et de la hauteur au massif et surtout apporter une strate arboré par rapport aux autres plantes plus basses. C’est cette différence de hauteur qui va obliger le regard du visiteur à chercher chaque plante qui compose le massif. Le premier est un groseillier, Ribes speciosum, le second est un arbuste de la famille des Rhamnacées, un Colletia dont deux espèces très différentes ont un intérêt ornemental certain, Colletia cruciata et Colletia hystrix.

Ribes speciosum est un groseillier épineux originaire de Californie dont les feuilles sont absentes l’été au plus chaud de la saison donnant l’aspect d’un arbuste caduques rappelant certaines euphorbes épineuses malgaches sans feuilles. On le surnomme Fuchsia de Californie. Ses jolies fleurs rouges pendantes sont dans la nature, pollinisées par des colibris, ce qui veut dire que cet arbuste ne produira pas de graines en France, mais en revanche il se bouture bien.

 

Colletia cruciata & Colletia hystrix : Tous deux originaires du Chili. Colletia crutiata ressemble à si tromper à une euphorbe très épineuse de Madagascar, Euphorbia stenoclada. Les colletia sont à planter en fond de massif afin d’éviter de se blesser ( penser aux enfants et aux animaux). La floraison très abondante a lieu en fin d’été, début de l’automne. Des fleurs blanches en grand nombre sont du plus bel effet. Ce sont des arbustes qui se taillent bien, prévoir des gants épais et un bon sécateur.

Facicularia bicolor est le petit dernier. Un massif dédié au plantes des milieux arides mérite une broméliacée. Celle-ci est terrestre, rustique, endémique du Chili, elle s’est naturalisée dans certaines contrées de Bretagne. Elle sera mise en valeur si elle est intercalée entre les rochers. Il en existe une autre espèce très ressemblante, Fascicularia pitcairnaifolia.

Texte et photos : Remis Legros

N-B: La photo Opuntia scheerii 2 a été prise au JB de Lyon et les 3 photos de Colletia ont été prises au JB de Nantes.

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